Josette Masson
Ce fut la seule fois, l’unique nuit, mais quel bonheur ! Ce souvenir demeure aussi fort que si cette nuit était celle d’hier.
Nous n’avons même pas vu le jour tomber. Pourtant, nous avons dû manger, bavarder, aider à ranger, enfiler nos pyjamas. Nous avons même monté l’escalier pour aller dans la chambre.
Mais, lorsque sous le gros édredon rouge carmin qui faisait un énorme dos rond sur le lit, la tête de Mémée, les cheveux enrobés d’un filet, dépassait, comme une tête de tortue, souriante, pommettes hautes, yeux attendris, attendant ses petits-enfants, notre joie était à son apogée.
Chacun d’un côté de Grand-mère, on ne se voyait pas, on riait de rien, on avait chaud, on était bien auprès de son grand corps. Elle riait et le lit aussi, ondoyant sous nos sursauts. Alors, les rires redoublaient. À bout de souffle, nous écoutions enfin la chanson douce de Mémée, que je chanterai un jour à mon tour.