La nouvelle Rose (Éditions l’Ourse Brune) s’ouvre sur un agonisant, dans une ambiance de vent et de mouches ; elle se clôt sur l’annonce à la veuve, dans une ambiance de soleil et de chant d’oiseaux. Quels symboles voir dans ce contraste ? Apprendre un décès est l’ouverture vers une nouvelle vie, faire son deuil ?
Peut-être… J’essaie, depuis quelques années, de m’effacer de plus en plus de mes textes, de supprimer toute explication pour laisser le lecteur seul avec le texte, seul face aux paysages et aux personnages.
J’y laisse bien sûr des symboles, des motifs, qui ont pour moi des significations plus ou moins conscientes, mais je ne préfère pas les dévoiler et les imposer aux lecteurs.
En lisant la nouvelle, on voit des images américaines comme dans les westerns (grands espaces, chemin de fer rouillé, sécheresse). Pourquoi avoir donné si peu de noms aux lieux et aux personnes (seulement la messagère, le chien et la veuve) ?
C’est vrai, mon imaginaire baigne dans des paysages et grands espaces nord-américains ; c’est d’autant plus vrai pour Rose, qui a d’abord été écrite en anglais et conçue, dès son origine, comme une sorte de réponse à la chanson Give My Love to Rose de Johnny Cash.
Mais ces chemins de fer rouillés et cette sécheresse, qui sont le présent de l’Amérique du Nord, je les imagine aussi comme notre futur européen et français – un futur de plus en plus proche, si proche, presque là déjà.
C’est en partie pour ça que j’ai supprimé tous les noms qui n’étaient pas utiles : pour éviter de localiser cette histoire, historiquement, géographiquement, culturellement.
Rose comprend une douzaine de personnages, des intrigues multiples ; de quoi faire un roman de plusieurs centaines de pages. Pourquoi avoir opté pour une nouvelle ? Qu’est-ce qui guide vers un format ou un autre ?
Il m’est arrivé d’écrire des nouvelles qui sont devenues des novellas ou des romans ; j’ai même pensé à le faire pour Rose, mais je me suis rendu compte que j’aimais ce texte comme il est, avec son mystère laconique de conte.
L’histoire relate l’épopée de Meryem à la recherche d’une femme ? Pourquoi l’avoir titrée du nom de celle-ci, tout en suivant celle-là ?
J’ai déjà dit plus haut que Rose répondait à une chanson de Johnny Cash ; ce titre est un indice de plus. Je crois que j’ai aussi préféré donner à cette histoire le nom de la quête qu’elle raconte, plutôt que celui de sa protagoniste – cela, en plus du symbolisme qui peut s’attacher à un nom comme “Rose”.
Le sentiment dominant est celui d’arriver après une apocalypse ; de quelle nature serait-elle si elle était révélée : réchauffement climatique, catastrophe naturelle, incident dû aux humains ? Avez-vous volontairement laissé le doute ou le choix au lecteur ?
Je ne crois pas à l’idée millénariste d’une apocalypse, je crois même qu’elle est dangereuse parce qu’elle suppose que cette fin du monde est à venir, que notre monde n’est pas déjà bouleversé par le réchauffement climatique, que les écosystèmes n’ont pas déjà commencé à s’effondrer.