Quant à l’affreux Jojo, c’est un tendre qui cache ses blessures derrière son caractère bourru.
Je mets en exergue le trait le plus fort de mon personnage qui se rapporte au thème central. Chacun a le sien. J’essaie par ailleurs de ne pas en faire un protagoniste tout blanc ou tout noir mais plutôt gris, comme dans la vraie vie. J’analyse son trait dominant à charge et à décharge, défauts des qualités, qualités des défauts.
Sauf pour le phallocrate Richard où je n’ai pas été aussi rigoureuse !
Des phrases courtes, de très rares subordonnées, un vocabulaire sans fioritures. Ces éléments donnent un style très moderne : est-ce un goût personnel ou un choix adapté au sujet, aux personnages ?
Tant mieux si j’ai réussi !
Je fais très attention à ne pas perdre le lecteur dans des phrases longues. Cela donne du dynamisme, je crois, au récit. Par ailleurs, chaque personnage ayant son propre chapitre – ou sa propre nouvelle – je rédige son texte avec ses propres éléments de langage (l’argot de Jojo, le discours convenu de l’inspectrice, le parler "djeun" de Julien…). Cela donne plus de sincérité, de réalisme.
Plusieurs nouvelles s’achèvent sur une incertitude ou une suggestion, un sous-entendu (la famille de Richard et Géraldine, le sort de Jojo) ; pourquoi avoir choisi de ne pas tout conclure ?
Comme vous l’écrivez, c’est une suggestion. Je laisse le lecteur s’approprier l’histoire. Il peut à son tour imaginer une suite, se poser la question "et si ... ?" Par exemple : Manda a peut-être soudain compris que Gérald pourrait être le chauffard qui a blessé Jojo … ou pas.
Le sort de Jojo (début du livre) n’est pas explicite à la fin de son chapitre. Il faut attendre la dernière nouvelle pour le connaître. C’est une façon de maintenir le suspens, un peu à la manière d’un roman.
L’enchaînement des nouvelles, avec des personnages qui reviennent dans plusieurs récits et d’autres qui sont juste passagers, rend l’ensemble proche du roman à épisodes. La forme longue vous tente-t-elle ? Comment orientez-vous votre écriture entre format court et format long ?
Comme je l’ai déjà évoqué, je suis très sensible au genre de la nouvelle. Cette construction en vues croisées – elles-mêmes des nouvelles – autour d’un même événement m’a beaucoup intéressée. J’aimerais poursuivre cette expérience et peut-être me conduira-t-elle à écrire en format long, tel un roman.
Vous utilisez volontiers un ton humoristique très peu prisé des jurys de concours. Quelle expérience avez-vous dans ce type d’épreuve ?
Communiquer une émotion, suggérer un ressenti ne doit pas se faire dans le pathos. Les sujets sérieux, voire graves, peuvent être abordés avec humour. Cela permet de prendre du recul, sans pour autant les éluder, d’en avoir la résolution ou tout du moins de les comprendre. C’est aussi une forme de respect envers le lecteur qu’on ne veut pas faire larmoyer.
Mais faire sourire est un exercice très difficile…