Un langage simple, une écriture orale, un bavardage fluide et naturel : ces qualités cachent-elles une organisation rigoureuse ou un laisser-écrire au fil des idées, comme une discussion improvisée ?
Écriture orale qui demande beaucoup de concentration, beaucoup de travail, travail qui commence très longtemps avant que je ne me mette à écrire. J’ai besoin d’un long temps de maturation sans écriture. Il me faut visualiser la scène, le physique des personnages, entendre le timbre de leur voix, le rythme de leur débit, même si je ne décris rien de tout cela, j’ai besoin que ça vive dans ma tête.
Pour le récit du rendez-vous, j’ai vu Marguerite en transe. Ainsi, elle pouvait raconter ce qu’elle n’avait pas vu. Elle devenait voyante.
D’une manière générale, je réécris beaucoup, pour couper, alléger.
L’arrivée de Suzanne et sa mère, celle d’Émile et son père, l’école, les réactions du village, l’évolution entre 8 et 25 ans, les doutes, les incertitudes, etc. Avez-vous été obligée de passer des détails sous silence pour concentrer le récit entre la première rencontre et la scène finale ?
Toutes ces ellipses font l’objet du roman Suzanne et ceux de la rue d’En-Bas, qui était à l’état d’ébauche au moment de l’écriture de la nouvelle.
Avant cette nouvelle, vous avez publié un roman, Un tilleul n’est pas un peuplier, ensuite Suzanne et ceux de la rue d'En-Bas ; qu’est-ce qui guide votre choix entre le format court et un plus long ?
Je préfère le format court, voire très court, que je trouve plus exigeant. J’aime les scènes, les portraits.
J’ai abordé le roman comme un défi (auquel je ne croyais pas) qui a abouti à Un tilleul n’est pas un peuplier. Parallèlement, j’ai continué à écrire des nouvelles. L’écriture de Ma bonne Marguerite est venue s’immiscer dans le cours d’un projet peu défini, dont Suzanne, et non Marguerite, était le personnage principal.
Un an plus tard ce projet a abouti à un roman Suzanne et ceux de la rue d’En-Bas, dans lequel j’entremêle le journal de Suzanne, l’amie de Marguerite, et une chronique d’une cité ouvrière, sous la forme de portraits croisés. Certains chapitres ont été travaillés comme des nouvelles. Et l’épilogue du roman nous ramène à Ma bonne Marguerite. En effet, son interlocuteur, encore bouleversé par cette rencontre, en fait le récit à un ami.