La peinture et l'écriture : le grand écart ?
À l’école, j’étais premier en dessin et en composition française… et dernier dans les autres matières. J’aimais passer mon temps dans les livres d’images où je trouvais tout à la fois des illustrations et des histoires ; j’ai grandi dans cet environnement-là.
Quant à savoir pourquoi j’ai opté pour les pinceaux plutôt que la plume : mon père peignait à titre amateur, c’est peut-être son exemple qui m’a poussé vers le dessin. À vrai dire, je ne me suis jamais posé la question ; les choses se sont faites d’elles-mêmes.
Qu’est-ce qui vous conduit à créer un dessin ou écrire une nouvelle ?
Pour moi, l’illustration et le texte sont deux outils différents qui me sont indispensables. Ils permettent d’exprimer des sujets parfois voisins en suivant des voies spécifiques. Cela dépend de ce que je veux, ou j’ai envie, de dire ou de montrer. Il n’y a pas de règles. Je fais confiance à « la magie de l’instant ». Parfois une idée vous vient, elle vous plaît, vous donne une ouverture. Alors on fonce. Parfois on gagne, parfois on perd. Mais dans ce cas, il faut persister, ne jamais abandonner. L’échec est souvent le résultat d’un renoncement.
Je me passionne pour l’humain, mes œuvres personnelles montrent des silhouettes, des portraits, des attitudes plus que des paysages ou des mises en scène ; la gueule des gens et leur physionomie me conduisent vers la palette.
Pour mes nouvelles, je pars plutôt d’une idée ou d’un endroit et je laisse filer mon imagination. Par exemple, pour la nouvelle « Nomades », qui donne son nom au recueil, je me suis posé un jour la question (dont je n’ai pas l’exclusivité, mais que beaucoup de gens se posent un jour ou l’autre) : et si mon père n’était pas mon vrai père ? Partant de là, j’ai imaginé un personnage qui, après une rupture, trouve une lettre qui traîne au fond de sa poche et je lui ai refilé mon interrogation.
Un cheminement d’imagination à partir d’une idée vague, générale ?
C’est souvent le cas, mais pas toujours. Pour la nouvelle Le denier du culte, je me promenais avec ma campagne dans la région de Chartres et nous sommes tombés sur une église désaffectée ; il restait un tronc contre un pilier et sans calculer quoi que ce soit, je me suis dit : « Si je voulais planquer quelque chose, c’est là que je le mettrais… » Le travail de narration s’est mis en route. J’en ignorais les tenants et aboutissants, je me suis laissé entraîner d’une image à une autre.
Par contre, l’histoire Anticipation avec Umberto le fossoyeur, m’a été racontée il y a plusieurs années par un ami italien qui la tenait de ses grands-parents. Il semblerait que ce soit une histoire vraie survenue en Italie dans les années 20-30 dans un bourg du Haut Adige. Je me suis emparé de ce fait divers pour en faire un récit dont les situations et les personnages (fictifs) dépassent largement la réalité et la rendent ainsi, peut-être, encore plus crédible.
Dans votre écriture, on remarque la forte présence de points d’exclamation, comme si les histoires, les aventures que vous racontez entraînaient beaucoup d’étonnement. La vie vous paraît pleine de surprises ?
Le point d’exclamation n’exprime pas que l’étonnement. Alloprof le définit comme : "un signe de ponctuation qui exprime l’exclamation. On le place après un mot, une locution ou une phrase exprimant un sentiment tel que la joie, la surprise, l’indignation, l’étonnement, l’ironie, etc." Tous ces sentiments sont plus ou moins contenus dans mes nouvelles, d’où l’usage de cette ponctuation.
Pour le reste de la question, oui, la vie est pleine de surprises, et c’est tant mieux. Mais je suis assez convaincu qu’on a les surprises qu’on mérite, je veux dire par là que le fait d’être surpris (ou pas) relève de notre attitude face à la vie, de notre curiosité, de nos envies…
Dans « Le poids des mots », vous écrivez "L’humour pouvait être plus fort que les poings d’un imbécile !" Est-ce un phénomène vécu ou observé ?
L’esprit est plus fort que la matière, c’est ma conviction. Mais ce n’est pas celle de tout le monde : il suffit de voir les "blockbusters" américains pour s’en convaincre ! Einstein contre Rocky Balboa ! Je pense qu’il vaut mieux apprendre à se servir de sa tête que de ses poings.
Les mots peuvent être une arme très efficace, j’en ai fait quelques fois l’expérience.