Guy Coda, les pinceaux et la plume

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Diplômé de l'école nationale supérieure des Arts décoratifs (ENSAD) en juin 1974, section scénographie, Guy Coda s'engage dans une carrière de peintre dès 1978 avec des expositions à Paris, en province, Belgique, Allemagne, Italie. Parallèlement à la peinture, il pratique la scénographie au cinéma et au théâtre, l'illustration (Télé-magazine, Elle, Le Monde), le graphisme en réalisant entre autres 62 timbres édités par la Poste de 1995 à 2016, ainsi que l'animation ou la vidéo. Un véritable touche à tout, couteau suite de la créativité.

Guy Coda participe à plusieurs structures d'enseignement du dessin et de la peinture : professeur de dessin à l’ENSAD à Paris, il intervient aussi en province.

Au plan littéraire, Guy Coda est l'auteur de recueils de nouvelles : Faut voir (2005) et Deux doigts de lumière (2006) aux éditions "Le manuscrit". Il a publié un album jeunesse, L’effaceur de couleurs aux éditions "Du Mont" (2010) et Bagage à main, Puzzle, Poisson volant – trois pièces de théâtre aux éditions "Banlieue Est" qui publient son nouveau recueil Nomades et autres nouvelles.

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La peinture et l'écriture : le grand écart ?

À l’école, j’étais premier en dessin et en composition française… et dernier dans les autres matières. J’aimais passer mon temps dans les livres d’images où je trouvais tout à la fois des illustrations et des histoires ; j’ai grandi dans cet environnement-là.
Quant à savoir pourquoi j’ai opté pour les pinceaux plutôt que la plume : mon père peignait à titre amateur, c’est peut-être son exemple qui m’a poussé vers le dessin. À vrai dire, je ne me suis jamais posé la question ; les choses se sont faites d’elles-mêmes.

Qu’est-ce qui vous conduit à créer un dessin ou écrire une nouvelle ?

Pour moi, l’illustration et le texte sont deux outils différents qui me sont indispensables. Ils permettent d’exprimer des sujets parfois voisins en suivant des voies spécifiques. Cela dépend de ce que je veux, ou j’ai envie, de dire ou de montrer. Il n’y a pas de règles. Je fais confiance à « la magie de l’instant ». Parfois une idée vous vient, elle vous plaît, vous donne une ouverture. Alors on fonce. Parfois on gagne, parfois on perd. Mais dans ce cas, il faut persister, ne jamais abandonner. L’échec est souvent le résultat d’un renoncement.
Je me passionne pour l’humain, mes œuvres personnelles montrent des silhouettes, des portraits, des attitudes plus que des paysages ou des mises en scène ; la gueule des gens et leur physionomie me conduisent vers la palette.
Pour mes nouvelles, je pars plutôt d’une idée ou d’un endroit et je laisse filer mon imagination. Par exemple, pour la nouvelle « Nomades », qui donne son nom au recueil, je me suis posé un jour la question (dont je n’ai pas l’exclusivité, mais que beaucoup de gens se posent un jour ou l’autre) : et si mon père n’était pas mon vrai père ? Partant de là, j’ai imaginé un personnage qui, après une rupture, trouve une lettre qui traîne au fond de sa poche et je lui ai refilé mon interrogation.

Un cheminement d’imagination à partir d’une idée vague, générale ?

C’est souvent le cas, mais pas toujours. Pour la nouvelle Le denier du culte, je me promenais avec ma campagne dans la région de Chartres et nous sommes tombés sur une église désaffectée ; il restait un tronc contre un pilier et sans calculer quoi que ce soit, je me suis dit : « Si je voulais planquer quelque chose, c’est là que je le mettrais… » Le travail de narration s’est mis en route. J’en ignorais les tenants et aboutissants, je me suis laissé entraîner d’une image à une autre.
Par contre, l’histoire Anticipation avec Umberto le fossoyeur, m’a été racontée il y a plusieurs années par un ami italien qui la tenait de ses grands-parents. Il semblerait que ce soit une histoire vraie survenue en Italie dans les années 20-30 dans un bourg du Haut Adige. Je me suis emparé de ce fait divers pour en faire un récit dont les situations et les personnages (fictifs) dépassent largement la réalité et la rendent ainsi, peut-être, encore plus crédible.

Dans votre écriture, on remarque la forte présence de points d’exclamation, comme si les histoires, les aventures que vous racontez entraînaient beaucoup d’étonnement. La vie vous paraît pleine de surprises ?

Le point d’exclamation n’exprime pas que l’étonnement. Alloprof le définit comme : "un signe de ponctuation qui exprime l’exclamation. On le place après un mot, une locution ou une phrase exprimant un sentiment tel que la joie, la surprise, l’indignation, l’étonnement, l’ironie, etc." Tous ces sentiments sont plus ou moins contenus dans mes nouvelles, d’où l’usage de cette ponctuation.
Pour le reste de la question, oui, la vie est pleine de surprises, et c’est tant mieux. Mais je suis assez convaincu qu’on a les surprises qu’on mérite, je veux dire par là que le fait d’être surpris (ou pas) relève de notre attitude face à la vie, de notre curiosité, de nos envies…

Dans « Le poids des mots », vous écrivez "L’humour pouvait être plus fort que les poings d’un imbécile !" Est-ce un phénomène vécu ou observé ?

L’esprit est plus fort que la matière, c’est ma conviction. Mais ce n’est pas celle de tout le monde : il suffit de voir les "blockbusters" américains pour s’en convaincre ! Einstein contre Rocky Balboa ! Je pense qu’il vaut mieux apprendre à se servir de sa tête que de ses poings.
Les mots peuvent être une arme très efficace, j’en ai fait quelques fois l’expérience.

Quelle part d’autobiographie peut-on trouver dans "Le poids des mots" ?

Comme dit la citation de Pedro Llarmallo, mise en exergue : "méfiez-vous du suicide, on peut en mourir." Et je suis bien trop prudent pour prendre ce risque. Donc il n’y a aucune autobiographie dans cette nouvelle. Ou alors il y en a dans toutes, car on ne crée rien ex nihilo. Toutes nos productions ne sont que la somme de ce que nous sommes.
Cette nouvelle m’est venue un jour de ras-le-bol, de vague à l’âme. Ou j’étais mal luné, ou je faisais face à un petit tas d’ennuis quotidiens Je me suis alors demandé comment réagirait quelqu’un d’un peu fragile ; je me suis mis à sa place et l’imagination a fait le reste.

La nouvelle "Nomades" donne le sentiment de vies incomplètes, inachevées avec une fin en forme d’ouverture sur l’avenir. Est-ce votre vision de l’existence : rien n’est vraiment définitif ?

La simple observation de notre quotidien montre bien, en effet, à quel point rien n’est définitif. Il suffit de voir comment nous sommes passés des trente glorieuses au désastre social planétaire d’aujourd’hui ! La mort seule semble définitive (jusqu’à preuve du contraire !
Mais comme le disait le sage chinois : quand on suit le chemin qui mène vers un but, ce qui compte ce n’est pas le but mais le chemin !

"Ignorant comme tous les gens de son âge, et convaincu comme eux qu’il savait tout." Est-ce un regard sévère sur la jeunesse ou un souvenir de ses propres erreurs ?

Il est de notoriété publique que plus on est ignorant, plus on est convaincu d’avoir raison.
Pour moi il y a deux sortes d’ignorants : les jeunes (comme le personnage du Denier du culte), pour des raisons légitimes puisqu’ils n’ont pas encore eu le temps d’apprendre, et les cons. Le héros de cette histoire appartenant aux deux catégories, je n’avais pas vraiment le choix…
Le déroulement temporel d'une histoire écrite permet de mieux cerner une personnalité que ne le ferait le dessin, mais en contrepartie elle enferme le lecteur dans une chose "finie". La "globalité immédiate" de l'image, en revanche, laisse plus de place à une "interprétation" possible.

Le héros de la dernière nouvelle "Mauvaise chute" est un personnage aux certitudes affirmées, tranchées, sans nuances. L’écriture est-elle pour vous le moyen de raconter les pensées de vos personnages quand le dessin est le moyen de montrer leur apparence physique ?

"L’homme est un roseau pensant", nous dit Pascal. Mes personnages sont des humains, donc ils pensent.
Et de fait, comme je l'ai dit plus haut, l’écriture permet d’exprimer les pensées des gens mieux que ne le font la peinture ou le dessin, ou en tous cas différemment. Pour employer une image simple, la peinture montrerait la substance de l’humain et l’écriture en exprimerait l’essence.

Le roman vous tente-t-il ?

Pas pour le moment. Le roman oblige à s’y consacrer longtemps, tant pour l’auteur que pour le lecteur, alors que la nouvelle permet de passer à autre chose. La nouvelle est plus percutante, elle contraint à aller au fond des choses sans tourner autour du pot. Elle correspond à mon goût pour le direct.
Je regrette que les éditeurs français soient si frileux avec ce type de littérature. Elle a du succès à l’étranger et les lecteurs de chez nous ont sans doute les mêmes aspirations. Elle est adaptée à la vie de zapping, de course contre la montre.

 

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Le peintre

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Ligne blancheÇa le rend marteau

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