Paul Masson est un personnage réel pour l’état civil. Mais il est aussi une superbe fiction sous les traits de Lemice-Terrieux.
Né le 14 juillet 1849 à Strasbourg, il devient avocat, magistrat, écrivain… puis mystificateur. Après avoir occupé différents postes dans la magistrature, notamment dans les colonies françaises, il travaille dans la presse où il côtoie Henri Mazel, Georges Fourest, Willy et Colette dont il est un grand ami.
Entre mai 1889 et avril 1895, il collabore à L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, sous la forme de petites énigmes posées à la sagacité des lecteurs. Il inaugure en 1890 pour la revue Art et Critique avec l’aide de Willy, une rubrique qu’il poursuit dans L’Ermitage où il se trouve très lié à son fondateur, Henri Mazel. Il travaille à La Plume où il devient l’ami du jeune Georges Fourest, qui, plus tard, lui dédiera La Négresse blonde en 1909.
Dans toutes ces revues, il signe Trissotin ou Le Yoghi. Il participe aux soirées que la revue La Plume organise au Caveau du Soleil d’or, avec son ami Willy et devient l’ami de Colette.
En mai 1890, lors de la Bataille Académique, treize candidats, et pas des moindres, s’affrontent pour entrer sous la coupelle. Parmi eux : Pierre Loti, Émile Zola, Henry Houssaye, Henry Becque, Paul Thureau-Dangin. Ce dernier arrive en tête, mais n’obtient pas la majorité. Après sept tours de scrutin, l’élection est reportée.
C’est alors qu’intervient Paul Masson. Connaissant les délais de bouclage de chaque publication et leur impossibilité à vérifier l’information en temps, il expédie une lettre de désistement de chacun des treize candidats à treize journaux. L’affaire a un large retentissement.
S’ensuit une série de canulars et d’usurpations : Paul Masson use de lettres envoyées aux rédactions, usurpant les noms et signatures de personnalités connues ; ces messages sont publiés sous la forme de communiqués, engendrant une série de malentendus, de rectificatifs, d’un bel effet comique.
Quand il n’usurpe pas le nom de personnalités, il utilise le pseudonyme de Lemice-Terrieux. Les uns le qualifient de farceur, d’autres de fumiste.
En 1894, il séjourne tout l’été à Belle-Île-en-Mer avec Willy et Colette qui est en convalescence après une sérieuse maladie. Paul Masson passe son temps au chevet de Colette, lui fait la lecture ; ils ont ensemble des joutes verbales qu’elle considère comme drôles et savantes. Colette dira de lui : Mon premier ami, le premier ami de mon âge de femme.
Paul Masson se suicide le 31 octobre 1896, à l’âge de 47 ans. Son geste est relaté par Colette dans son livre Mes apprentissages : Il fit une fin classique d’homme facétieux : au bord du Rhin, il appliqua contre ses narines un tampon imbibé d’éther, jusqu’à perdre l’équilibre. Il tomba, et se noya dans un pied d’eau.
La nouvelle de sa mort ne persuade personne et une lettre signée Lemice-Terrieux est publiée dans des journaux, qui dément sa mort. Le lendemain, le journal Le Temps publie son acte officiel de décès.