Mais comment créer un personnage qui a une identité crédible, voire si spécifique qu’il en devient l’archétype, comme Don Quichotte ou Tartuffe ?
Le choix et le profilage du personnage sont arrêtés en amont de l’écriture. Si vous attendez que vos personnages vous guident, en restant au bord de la feuille et en les regardant s’animer, vous risquez de poireauter longuement.
Dans l’Antiquité, le héros était capable de faire des prodiges. Quasi divin, il était admiré pour sa supériorité absolue.
Depuis le XVIIe siècle, les choses ont bien changé. Le héros d’aujourd’hui n’est pas forcément un modèle, plutôt un être humain dont le comportement et la personnalité sont complexes et difficiles à cerner.
Mais la constante veut qu’il ait un objectif : combler un manque, retrouver quelqu’un, élucider un problème, voler un trésor, etc. Le premier souci est de définir ce qu’il vise et pourquoi il se fixe ce but. Imaginez-vous un héros qui se traîne comme un désœuvré, sans problèmes, qui apparaît là sans rien avoir ni à dire, ni à faire ?
Le héros principal est souvent accompagné de personnages secondaires : raconter l’histoire de Juliette sans Roméo serait délicate (et réciproquement) ! Il vous faut soigner chaque profil, au risque d’avoir un personnage central au profil d'un héros antique entouré de comparses ridicules.
Par contre, inutile de détailler chaque figurant : Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ; Corneille a-t-il décrit chacun, leur physique, leur fonction, leur habillement ? Non, ni au départ, ni pendant la marche. Ils sont là pour faire vivre l’histoire, pas pour en confier leur version.
Trouver des bons personnages est un travail qui prend du temps et demande une attention minutieuse.
Trois grands points sont à prévoir dans un personnage : son corps, son esprit et son environnement. De simples questions aident à fixer les idées.
- Le corps : son âge, son physique, sa façon de parler, de se mouvoir. Le cas échéant, ces informations se déclinent avant l’histoire elle-même : à 50 ans, P. souffre des séquelles d’un accident à 20 ans.
- L’esprit : sa mentalité, son évolution passée, ses études, ses qualités, ses défauts. Quand vous aurez défini le caractère de deux opposants, leur rivalité paraîtra simple à exprimer pour vous et à comprendre pour le lecteur "qui y croira".
- L’environnement : sa famille, son quartier, son travail, ses partenaires, ses adversaires.
Vous sélectionnerez ensuite les informations qui répondent aux besoins de l’histoire à raconter : à quoi servirait de dire que le sportif a eu les oreillons à cinq ans si l'enjeu est de traverser la Manche à la nage ? Par contre, savoir que son père l'a obligé à nager dès son plus jeune âge intéressera davantage le lecteur... peut-être que cette donnée justifiera le but fixé : il le fait en souvenir de son père, ou par défi pour lui.
La manière pratique est de faire une fiche de chaque personnage, noter son nom (Ginette Leroy semble populaire et Mathilde de Flammecourt aristocratique), sa présence physique, ses traits psychologiques, voire ajouter une photo. Quand vous hésiterez dans un dialogue, un comportement ou une réaction, ce pense-bête viendra soutenir votre mémoire ; car, dans le feu de l’action, il serait dommage de donner au lecteur une attitude subite et incompréhensible !
Georges Simeon écrivait : Un personnage de roman, c’est n’importe qui dans la rue, mais qui va au bout de lui-même. Il vous reste à créer votre héros et ses interlocuteurs, qui vivront pleinement l’aventure où vous les installez.