Tchekhov a écrit six cent quarante-neuf récits et nouvelles durant sa vie, principalement entre 1883 et 1887 ; ils furent publiés dans plusieurs journaux. La très grande majorité de ces nouvelles ont été signées par une trentaine de pseudonymes, parfois réduits à des initiales. Tchekhov protégeait ainsi son identité pendant ses études de médecine et se permettait d’écrire pour plusieurs journaux à la fois. Il conseille d’ailleurs les jeunes écrivains ainsi : Quand tu as fini d’écrire, signe. Si tu ne poursuis pas la renommée et si tu as peur des coups, utilise un pseudonyme. Bien des écrivaillons d’aujourd’hui ont reçu la recommandation 5/5.
Dans un article de 1922, publié par la Nouvelle revue française, Boris de Schloezer écrivait : la langue de Tchekhov possède un charme particulier : elle est très précise, gracieuse et facile, sans tension, sans effort aucun. Ce style se rapproche du langage parlé ; il en conserve toutes les caractéristiques : la liberté d’allure, le laisser-aller même, qui pourrait passer pour de l’incorrection, la légèreté. Ce style n’est pas très coloré : Tchekhov ne peint pas ; il dessine plutôt ; et son dessin, très fin, n’est jamais trop appuyé, trop riche en jeux d’ombres et de lumières. Aussi, quand il lui arrive parfois de souligner un détail quelconque, sans paraître y attacher une importance particulière, cela produit toujours un très grand effet.
Tout est résumé dans ce bref extrait de la longue analyse : la modestie des moyens comme la force du résultat ; car l’auteur russe montre sans état d’âme, il décrit comme le médecin qu’il était avec la froideur du scientifique ; il va droit au but sans détours.
Loin d’un auteur qui sourit, Anton Tchekhov ausculte ; sans prendre parti, Tchekhov surveille.
Ses descriptions du milieu social, ses scènes de mœurs sont le moyen d’atteindre le moi intime de l’homme. Il donne l’illusion de la vie, sans accumuler des détails réalistes ou des peintures éclatantes, mais en conservant à son récit l’allure souple, la démarche quelque peu incertaine, sans but précis de la réalité.
Un bon médecin vous le prescrirait : à lire et à relire sans modération.