Scanner une nouvelle

Le 24/08/2023 0

Scruter le squelette et le cheminement d’une nouvelle est un exercice utile aux auteurs en herbe, déroutant pour un lecteur qui attend de se divertir.

Ausculter une histoire est un travail d’observateur ; plutôt que se laisser emporter par le récit, il implique de s’arrêter moultes fois en chemin.
Pour suivre ce pas à pas, il est préféranble de disposer de la nouvelle Le voyage écrite par Katherine Mansfield et insérée dans le recueil La Garden-party et autres nouvelles, disponible en téléchargement libre sur ebooksgratuits.com. Prenez la version de votre choix.

L’analyse comptable du texte par lexicool.com permet de voir sa composition : 20 287 caractères (espaces comprises) et 16 834 sans les espaces, 3 398 mots – soit des mots de 4,95 caractères, très peu de grands mots compliqués pour obtenir cette moyenne.
Les autres chiffres indiquent 283 phrases de 12 mots, pas de longues envolées sans respirer ! Ces informations sont utiles aux auteurs, pas du tout aux lecteurs qui se divertissent.
Au regard des termes les plus fréquents, les deux placés en tête sont Fénella (47) et grand-maman (37) auquel s'ajoute grand-mère (14), les deux protagonistes de l’histoire. Viennent ensuite les verbes et auxiliaires être et avoir à l’imparfait, suivis de mots du langage courant quand on conte : pas, air, bien, comme, petit… L’idée d’un vocabulaire simple est attestée.

Suspendons là le chiffrage tout en gardant les autres comptes sous le coude. Intéressons-nous au récit.
Premier paragraphe de 143 mots : Fénella dans la nuit et le vent. Mansfield montre son héroïne dans la situation initiale.
Deuxième paragraphe de 104 mots : les 3 générations d’une même famille se hâtent, avec la mention d’un parapluie !
Troisième paragraphe de 67 mots : les autres figurants de la scène. Auront-ils un rôle ? L’un d’eux se détachera-t-il ?
Quatrième paragraphe de 33 mots : premier problème, un cri ?
On remarque l’économie de moyens utilisés par Katherine Mansfield : les paragraphes se concentrent et mènent à une question en 4 temps : l’héroïne, son état, son entourage, un problème. Avec des verbes actifs (la lanterne a peur de se déployer), des éléments visuels (Fénella obligée de faire de petits sauts), une concentration d’adverbes pour introduire le cri (et puis soudain, si brusquement…). Autrement dit, le lecteur voit et suit l’héroïne.
Réponse immédiate au problème : le cri vient de la sirène d’un bateau où la famille arrive et embarque, ils commencèrent à faire leurs adieux. Tiens, ils ne partent pas ensemble ?
Réponse immédiate par un dialogue : le père vérifie l’équipement de la grand-mère, avant d’évoquer son papa que Fénella et grand-mère doivent rejoindre. Pourquoi n’est-il pas là ? La séparation se confirme, Fénella en ignore la durée, le père quitte le bateau et celui-ci quitte le quai pour s’éloigner. Le lecteur sent un malaise, du non-dit, de l’émotion. Que se passe-t-il ?

La fillette et sa grand-maman s’installent dans leur cabine (avec trois mentions de parapluie). Au passage, elles s’étonnent du prix d’un sandwich, ce qui indique la condition modeste de la famille. La femme de chambre échange avec la grand-mère, qu’elle connaît bien. Le lecteur mesure l’habitude de la traversée pour l’aïeule et croit saisir qu’un problème touchant Fénella justifie le voyage. Mais lequel ? Les habits laissent penser à un deuil, peut-être celui de la mère ?
Pour faire diversion, Mansfield raconte le couchage au centre de l’histoire : les 510 mots, environ 15 % du texte, prêtent à sourire à propos de la grand-mère acrobate et pieuse.

Suite prochaine de l'étude…

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