La nouvelle est plus courte et moins complexe qu’un roman, donc plus facile et plus rapide à analyser, que ce soit celles qu’on lit ou celles qu’on a écrites et mises de côté pour prendre une légère distance.
L’objectif est d’identifier la composition du texte afin d’en repérer la force ou les faiblesses. Avec la précaution de cerner l’époque de rédaction : l’uchronie serait un leurre sans intérêt pour rédiger, juger Maupassant avec les connaissances et pratiques agricoles d’aujourd’hui paraîtrait insensé.
L’analyse ne se contente pas de la lecture, un papier et un crayon sont indispensables. Pour commencer, vous décomposez la nouvelle en listant tous les éléments : les personnages, leur rapport initial, le problème, les évènements, les réactions, l’état final. Eh oui, certains auteurs livrent tout en vrac et c’est au lecteur d’apprécier. Voir la paille dans l’œil du voisin évitera de planter une poutre dans le sien !
À ce stade, vous avez repéré le conflit principal, le nœud de l’intrigue, les antagonistes, le véritable héros de l’histoire. Vous disposez des pièces détachées et vous pouvez juger de leur positionnement choisi par l’auteur : ces éléments sont-ils livrés dans quel ordre, par qui sont-ils donnés, en quoi sont-ils nécessaires à l’histoire ? Quand chaque information apparaît, l’histoire avance-t-elle ou pas ? Les indices orientent vers l’issue ou se répètent-ils ? La chute semble-t-elle une réponse, un bouleversement ou à-côté de la plaque ? Vous-même, comment auriez-vous disposé ces informations ?
Maintenant, regardez l’organisation, la structure de l’histoire.
Souvenez-vous des cinq éléments qui composent une nouvelle : la situation initiale, l’événement déclencheur, les péripéties, la résolution et la situation finale. La structure crée le rythme du récit. Au besoin, mesurez le nombre de mots ou de lignes correspondant à chaque élément ; vous remarquerez peut-être un récit où la première étape occupe 60 % de l’ensemble, le déclencheur est balancé en quelques lignes et les autres étapes concentrées dans la dernière page. Aucune répartition n’est idéale et immuable, à vous de choisir celle que vous aimez lire, elle influencera votre style.
Pour finir, regardez l’impression que vous éprouvez ou celle que vous souhaitez transmettre à vos lecteurs. Pour cela, vous évaluez trois paramètres.
D’abord, le thème – si vous participez à des concours, vous le regardez très vite, mais quand vous lisez : pourriez-vous dire dans quels concours la nouvelle serait recevable ? Il est parfois difficile de le préciser, c’est pourtant le thème que vous retenez à la fin de la lecture : probant ou flou ? Ensuite, les symboles – les personnages ou les objets de l’histoire représentent parfois des idées abstraites (amour, haine, jalousie, rêverie, arrivisme…) ; ces symboles sont-ils déchiffrables ou ambivalents ? La réponse à cette question dira si votre histoire est limpide ou confuse. Enfin, le ton donné est-il ironique, dramatique, poétique, humoristique, etc. ? Surveillez aussi la constance de ce ton : une phrase drôle au milieu d’un drame peut tout remettre en cause. Le ton est servi par le vocabulaire choisi, la longueur et la construction des phrases : vous n’évoquerez pas le pasteur d’une église victorienne comme un supporter de football.
Malgré toute votre vigilance et vos efforts, consolez-vous : l’atmosphère que vous avez donnée sera reçue différemment par chaque lecteur.
En résumé, analyser une nouvelle consiste à la démanteler pour en remarquer les éléments, voir leur organisation, définir leur parcours et observer ce qu’il en reste à l’issue de la lecture. Un exercice, bon et difficile en même temps, consiste à soumettre ses propres textes à l’analyse ; l’idéal est de pouvoir le faire avant d’envoyer son texte au lecteur, surtout s’il est juré dans un concours.