Les fiches de lecture

Le 03/01/2024 0

En 1899, Antoine Albalat conseillait de préparer ses fiches de lecture personnelle(s) ; un siècle et quart plus tard, le conseil est encore de vigueur.

Si on veut écrire, il faut lire et prendre des notes ; mais comment prendre celles-ci ?
Les fiches sont le moyen, à un moment donné, de se rappeler ce qu’on a lu. On résume les sujets d’ouvrages, on note son appréciation, les choses qui s’y rapportent, les rapprochements et les souvenirs. Ce sont des trésors qu’on amasse ; il suffit de les relire plus tard pour que tout ce qu’on y a mis revienne avec netteté.
Pour connaître un ouvrage, il ne suffit pas de lire les histoires littéraires ou les livres de critique. Aucun critique ne remplacera la lecture d’un ouvrage, parce que ce sont les procédés, les tournures, les méthodes et l’anatomie du style qui différencient les auteurs, et très peu de critiques se préoccupent de montrer ce côté métier. C’est sur cela qu’il faudra porter votre attention, si vous voulez examiner et analyser les écrivains sur vos fiches.
Les fiches rangées alphabétiquement par noms d’auteurs constitue le seul classement pratique. Un classement par ordre d’idées donne des résultats confus ; les idées chevauchent et se mêlent, avec une fiche sur le désir, l’autre sur l’envie et la troisième sur la jalousie, toute voisine !

Les notes auront trois objets : l’érudition, les citations et la transcription de ses propres jugements.
On inscrit sur ses fiches des citations saillantes, des phrases typiques, des extraits frappants, des expressions remarquables, celles qu’on aurait aimé trouver soi-même ; on note aussi les aspects "pro" du style, les techniques du métier : comment l’auteur a amené telle rebondissement, exprimé tel sentiment..
Écrivez également sur vos fiches votre propre critique, voss propres jugements. Vous lisez un livre. Qu’en pensez-vous ? Vous l’oublierez, si vous ne l’écrivez pas tout de suite. Par contre, vous constaterez les avantages de l’exercice quand vous chercherez des similitudes, des rapprochements entre les auteurs ou entre les ouvrages d’un même écrivain.
La règle qui doit dominer dans l’entraînement littéraire, c’est de tout voir par soi-même, de se rendre compte de tout, de tout contrôler. Lire sans employer cette méthode, c’est comme ne pas lire, ou plutôt lire comme tout le monde, être un consommateur de livres.
Notez chez Michelet l’emploi du raccourci pour exprimer ce que Bossuet dira en de longues périodes. Notez que Taine, Goncourt, Zola procèdent par empâtements ou juxtapositions, alors que Chateaubriand, Flaubert ont la phrase colorée, mais classique. Remarquez que Montesquieu serre et noue des phrases assez courtes qu’il fait spirituellement choquer ; tandis que Rousseau manie l’antithèse avec passion et Buffon a l’harmonie et la majesté dans le calme, etc.
Ces notes sont les avis d'Albalat, pas des vérités à partager par imitation.

La méthode mène parfois à des surprises : en relisant les fiches passées, on constate que tel auteur déçoit à la seconde lecture ; on attribuait une manie à celui-ci, alors qu’aujourd’hui on lui en attribue une autre… Bref, entre la mémoire notée et les souvenirs en tête, des différences se dévoilent.

littérature écriture méthode

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