Le Prince Blanc, un conte multicolore

Le 25/05/2024 0

La collection Temps passé accueille une nouvelle de François-Marie Luzel publiée en 1889. Un conte breton initiatique.

Un conte, direz-vous, c’est pour les enfants ! Nos ancêtres étaient donc si puérils qu’ils ne grandissaient jamais et que leurs veillées n’étaient qu’enfantillages sans fin ? Aujourd’hui, nous serions plus sérieux avec les séries en boucle, qui déversent sur les petits écrans les mêmes sornettes ?
Les contes étaient les téléfilms d’autrefois. En ces temps anciens, les gens lettrés disposaient de leurs bibliothèques, les gens ordinaires avaient leurs oreilles grandes ouvertes. Quelques folkloristes ont écouté et transcrit les histoires traditionnelles dans de vieux recueils savants ou d’antiques revues, devenues des sources précieuses, parfois surannées, souvent sous-estimées.

"Il y avait une fois un pauvre homme qui avait déjà fait faire vingt baptêmes. Dieu lui envoya pourtant un vingt-et-unième enfant. Comme tous ses parents, ses amis et ses voisins avaient déjà été parrains chez lui, il n’en trouvait plus pour ce dernier venu, et il en était fort peiné. Il trouvait bien une marraine, la servante du manoir voisin, car la Dame et sa fille avaient refusé net. Comme il allait sur la route, à la recherche d’un parrain, il rencontra un beau Prince, tout habillé de blanc et monté sur un beau cheval, également blanc."

Le Prince Blanc a la structure d’un conte littéraire bien ficelé : un père dans l’embarras, une apparition salvatrice et l’homme ennuyé ne se pose aucune question, trop heureux d’être soulagé. Vous pensez que ce sauveur est le diable… et pourquoi est-il blanc ? Ses exigences sont classiques, puisque l’enfant problématique lui appartiendra à son dixième anniversaire… et pourquoi pas son âme après son trépas, comme le réclame si souvent Lucifer ? Évidemment, le rythme ternaire est présent : trois filles, trois épreuves, trois souffrances dans la fuite finale… alors en quoi ce conte est-il original ?

François-Marie Luzel s’est souvenu du cordonnier de Plouaret, son village natal ; il a transcrit le conte Le Prince Blanc dix-sept après l’avoir entendu. Il lui a donné une forme littéraire, structurée, avec un scénario convenu ; il a rendu l’histoire compréhensible, sans obliger à parler la langue bretonne et accessible 130 ans plus tard.
Quant au contenu, l’aventure d’Emmanuel enseigne qu’une naissance n’implique pas une destinée inéluctable ; avoir des parents malheureux et être le dernier d’une énorme fratrie ne sont pas des condamnations. Toutefois, le narrateur met en garde : suivre un inconnu et se soumettre à la tentation présentent des risques. Enfin, l’histoire permet l’espoir et la rémission : la belle rencontre et la douce amour nous sauveront tous !

Ainsi, Le Prince Blanc de Marie-François Luzel se lit en rêvant et en réfléchissant. Il se lit au premier degré, comme un enfant émerveillé ; au second degré, comme un adulte qui a gardé son âme innocente ; au troisième degré, comme un sage qui parle par images. Ensuite, on ne regarde plus les téléfilms avec les mêmes yeux.

publication Piterne association

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