Antoine Albalat, dans L’art d’écrire enseigné en vingt leçons, publié en 1899, définissait les trois qualités de l’écriture. Après l’originalité et la concision, cette dernière est chère aux nouvellistes, il cite l’harmonie. Qu’entendait-il par là ?
De même que les mots, selon leurs sons et leurs combinaisons, produisent une harmonie qui anime le style, de même la construction des phrases produit une harmonie générale qui domine le style et lui donne sa cadence, son allure définitive.
Albalat avance que la construction des phrases est le secret de l’art d’écrire. Comme il existe une infinité de façons de construire des phrases, selon les tournures d’esprit personnelles, les conseils sont impossibles à donner. Quel que soit le sujet traité, longues phrases et phrases courtes ont leur place, il faut mélanger les deux longueurs. Rien n’est plus agréable que se reposer l’esprit sur des phrases brèves, après en avoir lu de plus amples, même si un style soutenu sera toujours plus saisissant, plus relevé, plus estimé qu’un style de courte haleine.
S’il revenait de nos jours, Antoine Albalat constaterait que la mode est orientée vers les phrases courtes, qu’il jugeait plus faciles à faire : les belles périodes exigent un travail compliqué, tandis qu’un article de journal se fait au pied levé.
Une phrase se compose d’une proposition principale et d’éléments intercalés ou subordonnés ; la proportion des membres entre eux fait l’équilibre et l’harmonie. L’auteur préconise que les différents ingrédients soient à peu près d’une longueur égale ; en d’autres termes, que la construction soutienne la voix sans la fatiguer (on trouve là le passage par la lecture à haute voix) ; qu’il y ait, de distance en distance, des repos de syllabes, avec assez de variété dans la cadence pour éviter la monotonie (l’idée d’harmonie au sens musical trouve sa place).
Originalité, concision et harmonie sont des repères pratiques pour l’auteur, qui saura s’en inspirer sans en faire des contraintes sclérosantes. Les idées sont bonnes à prendre, celles d’hier comme les contemporaines, car si les goûts évoluent, aucun n’efface les précédents. Par exemple, quelle bibliothèque ne contient aucun auteur classique ?