L'invention s'invente-t-elle en écriture ?

Le 09/05/2024 0

L’écriture comprend trois actes : trouver des idées, les arranger, les exprimer. La première étape est-elle naturelle ou mobilisable ?

L’invention est l’effort d’esprit par lequel on trouve un sujet et les développements qui s’y rapportent. Pour découvrir un sujet et les aspects qu’il comporte, la première condition, c’est d’y réfléchir, de le mûrir. C’est pour ne pas avoir assez réfléchi sur son sujet, dit Buffon, qu’un auteur est embarrassé pour écrire.

Le plus difficile n’est pas d’écrire son sujet, mais de le sentir, de se le faire sentir. Tout est là. C’est un grand principe : on n’écrit bien que ce que l’on sent bien.
Il vous arrive un accident, une douleur ; un épisode de votre vie vous frappe. Rien de plus aisé que de sentir de pareils sujets ; si vous voulez les décrire, vous le ferez sans problème. La difficulté est tout autre si vous choisissez un sujet qui vous est étranger, de l’attirer à soi, de l’assimiler, de vous le rendre familier, pour l’exploiter sous toutes ses faces, jusqu’à en être plein, saturé, débordant.

Si les idées ne viennent pas, c’est que le sujet n’est pas assez mûri. Vous devez y penser, repenser longtemps, jusqu’à un état d’effervescence tel, que vous éprouviez le besoin de vous en débarrasser. La vraie verve, la vraie inspiration ne viendra qu’alors. La nécessité de porter longtemps votre sujet, la gestation, en un mot, est une condition absolue du don d’écrire.
Chacun, évidemment, n’a pas le même procédé pour se mettre en train. Il en est qui n’écrivent qu’après avoir longuement pensé ; de sorte qu’ils tracent ses pages dans leur tête avant de les mettre sur le papier. D’autres ne se mettent en ébullition qu’assis devant leur feuille ou leur clavier.

L’invention consiste à sentir un sujet et à rendre l’impression qu’il fait sur votre imagination et sur votre sensibilité. En se concentrant sur un thème, l’imagination et la sensibilité révéleront les rapports, les relations, les rapprochements et les images que contient ce thème. Les plus grandes surprises livreront aussi quelques amusements, contradictions ou incohérences.
"Comment voyez-vous cette scène ? Comment la sentez-vous ?" a-t-on coutume de demander. En effet, la grande affaire est de sentir, de quelque façon que ce soit, non en obéissant à des règles et selon un mode obligatoire, mais selon son tempérament.

Un sujet est une idée, une unité, quelque chose de simple. Si l’imagination et la sensibilité ne dédoublent pas cette idée, en décrivant les contours qu’elle peut avoir et les formes qu’elle peut prendre, on aura bientôt tout dit et l’on restera court.
Prenons un exemple, comment décrire les sensations d’un homme coincé dans une voiture accidentée pendant trois heures. Mettons-nous à la place de cet homme. Mais un tel accident ne vous est jamais arrivé ! Tant mieux. Comment deviner les sensations que peut éprouver cet homme ? C’est en cela que résident l’invention et la création. L’art n’est qu’une substitution.
Il s’agit de se mettre dans la peau d’autrui. Pensez-y longtemps, rôdez autour, et notez, au fur et à mesure, les idées, même saugrenues, qui vous viennent : l’étroitesse du véhicule, la chaleur ou le froid, l’étouffement, le temps qui passe, les bruits aux alentours, le silence, les appels désespérés, le son de sa voix dans l’habitacle, l’abandon des forces, l’exténuation lente, le renoncement progressif, etc., etc. Vous tâcherez d’éprouver toutes les circonstances, avec la gradation, le crescendo douloureux, nécessaires à l’effet, c’est-à-dire à l’intérêt. L’important n’est pas l’exhaustivité de tous les détails d’un fait, mais d’en avoir une sensation personnelle et vivante. Votre écriture montrera cette sensation, les détails arriveront d’eux-mêmes.

L’art d’écrire est un perpétuel effort, sauf pour les « grands génies »… qui avouent souvent avoir énormément travaillé !

auteur méthode écriture

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