Trente-six cas de figures, trente-six règles ; il suffit de savoir si le mot est aussi un nom, s’il vient d’une langue étrangère ou s’il est passé par un tamis, sans négliger l’âge de l’écrivain qui les utilise. Bien sûr, cette remarque est exagérée et n’aide personne à arrêter son stylo avant ou après la marque du pluriel, mais à lire quelques grammairiens ou enseignants, on s’approche de cet imbroglio !
Visons une méthode simple. Si quelques exceptions lui échapperont encore, le plus gros sera réglé.
1 – L’adjectif n’est qu’un adjectif, comme bleu, blanc, rouge ; vous le mettez au féminin et au pluriel, bleue, bleus, blanches, blancs, rouge, rouges. Les adjectifs blanche ou verte lus à haute voix ne choquent pas vos oreilles, car la marque sonore du féminin est habituelle.
2 – L’adjectif est aussi un nom, comme marron, citron, anthracite ; il reste invariable quand il désigne la couleur, des chaussures marron, une robe citron. Qui aurait idée de dire des chaussures marronnes, au féminin pluriel, ou une robe citronne, au féminin singulier ? Vos oreilles crient : halte !
À la base, l’immense majorité de ces noms désignent un élément naturel : un fruit, un arbre et son écorce, un animal, une pierre. Ainsi, vous trouvez des meubles ébène, des commodes taupe, des peintures chêne ou des dossiers orange. La difficulté est de savoir si le nom est un élément naturel dont nos ancêtres ont tiré un adjectif de couleur ou s’ils ont pris une couleur pour la coller à un élément naturel. Autant de mots que d’exceptions.
3 - Un dernier subterfuge vient à notre secours ; il se résume en un principe imparable. Quand la couleur est exprimée par deux ou plusieurs mots, ceux-ci restent invariables. Ainsi, une blonde aura les yeux bleu ciel et non les yeux bleus cieux (même s'ils sont deux), car leur couleur est le bleu, comparé à celui du ciel ; idem pour bleu marine, bleu turquoise, bleu acier et toute autre nuance, idem pour toute autre couleur et son cortège subtil.
En pratique, il suffit donc de nuancer la couleur et l’adjectif devient invariable : la neige blanc pur, les flots bleu acier, les chemises jaune citron, les voitures rouge écarlate.
Enfin, si le doute continue à vous torturer, une ultime échappatoire s’offre à vous. Elle consiste à détailler les couleurs des objets décrits.
En clair, le drapeau national de la France est bleu, blanc, rouge ; si vous en montrez plusieurs, ils ne deviennent pas bleus, blancs, rouges ; ils sont toujours bleu, blanc, rouge ! En effet, ils ne se multiplient pas en trois couleurs différentes, mais restent tous tricolores.
D’ailleurs avec des affiches, vous n’apprécieriez pas d’entendre parler d’affiches bleues, blanches, rouges. Votre crayon hésite alors que vos oreilles se rebellent !
En résumé, l’adjectif pur jus entraîne l’accord ; le nom et le cumul de précisions appellent la neutralité.
Le soulagement des auteurs qui trouveront là un pansement à leur plaie ne nous étonnera pas, pas plus que les reproches de ceux qui aiment torturer leurs lecteurs par des précisions plus détaillées que les détails précis.