Dans un recueil signé par un seul auteur, des constances se précisent, le lecteur traque les thèmes abordés, le style adopté ou la variété recherchée. Un ouvrage collectif offre quant à lui le bénéfice de la diversité et peut générer de la curiosité. C’est le cas des Brèves rencontres (Gallimard – France Inter), où le lecteur assiste au rendez-vous de Nathalie Azoulai avec la princesse de Clèves, et celui de Taher Ben Jelloun avec Jean Genet. Qu’importe la véracité de l’un par rapport à l’autre, ce qui compte est la sincérité de celle qui le raconte, de celui qui s’en souvient.
Dès lors, le lecteur croise des auteurs d’aujourd’hui, qu’il apprécie ou qu’il découvre, des personnalités des temps passés qu’il a plaisir à retrouver ou sur lesquels il n’avait pas encore porté son attention. De ces rencontres en naissent d’autres et la brièveté annoncée dans le titre se prolonge par de nouvelles jonctions.
Ainsi, Tahar Ben Jelloun se souvient de ce matin de septembre 1974 et de l’article que Jean Genet consacra à son premier roman, puis de l’invitation à déjeuner qu’il reçut du célèbre auteur. Ben Jelloun voulut flatter Genet pour ses livres : "Ne m’emmerde pas avec mes bouquins. Je n’ai rien à dire sur ces choses-là".
Son témoignage donne envie d'aller voir le Journal du voleur ou Un captif amoureux, Notre-Dame des Fleurs et Querelle de Brest.
Aussitôt que Hervé Le Tellier évoque sa première rencontre avec Italo Calvino, alors qu’il n’avait que dix ans, il avoue son "mensonge, ou plutôt la réinvention d’un souvenir". Au fil des pages, le lecteur se pose des questions sur l’auteur italien et finit par noter quelques titres à consulter, avec le prétexte des souvenirs confus de Hervé Le Tellier sur l’ordre de ses propres lectures !
Et l’amateur de format court ne tarde pas à consulter Marcovaldo ou Les saisons en ville, recueil de vingt nouvelles narrant la vie de Marcovaldo sur cinq années, un manœuvre vivant à la campagne mais qui doit désormais s'exiler vers les villes industrieuses du XXe siècle pour nourrir sa famille.
Comme la rencontre de Blaise Cendrars et Élisabeth Prévost, contée par François Sureau, pousse immanquablement à se renseigner sur Les carottes du Plaza "une nouvelle assez délirante".
Brèves rencontres ne se lit pas, il se déguste à petites gorgées comme le vin rosé les soirs d’été. C’est un entremetteur entre des gens qui s’apprécient, ce sont des conseils d’amis qui se croisent, se donnent des conseils de lecture, confient des regards personnels sur les auteurs d’avant-hier, d’hier, d’aujourd’hui et sans doute de demain.
Ne le prenez pas comme lecture de plage, mais un carnet d’adresses pour l’année entière.
Ces Brèves rencontres ont été lues par leurs auteurs sur France Inter tout au long de l’été 2022.
ISBN papier : 978-2-07301-653-9
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